Le Dixit Dominus est une œuvre musicale pour chœur et orchestre. Cette œuvre représente un très grand intérêt sur le plan musical et artistique. Son intérêt est tout aussi certain pour les paroles qui sont chantées car il s’agit de celles d’un des Psaumes contenu dans la Bible dans la version latine de la Vulgate.

Dans cet article, nous commencerons par une brève présentation d’Haendel pour situer cette œuvre dans le contexte de son parcours musical. Ensuite, quelques mots seront dits sur la Vulgate. Puis, nous rappelerons le texte latin du Dixit Dominus et sa traduction française avec quelques brefs commentaires sur les choix musicaux, un résumé de ce psaume sera mis en parallèle avec la composition musicale de Haendel. Enfin, nous consacrerons la plus grande partie de cet article à un commentaire approfondi du texte du Dixit Dominus.

Image partielle du vitrail du Christ Roi d’Alexandre Mauvernay Église Sainte Blandine 42330 Chambœuf ©
Résumé de la conférence

LE DIXIT DOMINUS DE HAENDEL

GEORG FRIEDRICH HAENDEL

Georg Friedrich Haendel est un compositeur allemand né le 23 février 1685 à Halle-sur-Salle, en Saxe. Le lendemain de sa naissance, il a été baptisé dans la confession luthérienne et restera luthérien toute sa vie.
Haendel est devenu sujet britannique en 1727. Il est mort le 14 avril 1759 dans le quartier de Westminster à Londres. Haendel exerça son activité de compositeur durant 56 ans, de 1702 à 1758, dans trois pays : Allemagne, Italie, Angleterre.
Très jeune, Haendel manifeste des aptitudes pour la musique, il apprend à jouer du clavecin, de l’orgue, du violon et du hautbois. À l’âge de 11 ans, il commence à composer des œuvres instrumentales et vocales. À 17 ans, le 13 mars 1702, il est nommé organiste de la cathédrale calviniste de Halle, poste qu’il occupera pendant une année. Cette même année, il effectue un voyage à Berlin où il fait grande impression à la cour de l’Électeur Frédéric III de Brandebourg. Il établit des contacts avec deux compositeurs italiens.
En 1703, Haendel s’installe à Hambourg, principal centre culturel et musical pour l’Allemagne du Nord. Il trouve un poste de second violon, puis de claveciniste à l’Oper am Gänsemark (l’Opéra près du marché aux oies) qui est le plus grand théâtre de l’époque avec 2000 places. Pendant son séjour à Hambourg, Haendel donne aussi des cours de clavecin et compose de nombreuses pièces pour cet instrument, bon nombre de sonates ainsi que des concertos pour hautbois. En 1705, il compose ses premiers opéras, Almira pour lequel il obtient un très grand succès avec plus de vingt représentations et Nero pour lequel le succès est moindre, seulement deux ou trois représentations.
Les relations conflictuelles avec le directeur de l’Opéra, le compositeur Keiser, les problèmes de gestion de l’Opéra et son échec avec Nero ont peut-être joué un rôle dans la décision de Haendel de partir pour l’Italie. Il arrive probablement à Florence en automne 1706 où il rencontre plusieurs compositeurs d’opéras italiens. Ces rencontres s’avèrent très intéressantes pour sa formation musicale. En janvier 1707, il est à Rome où il passera la plupart de ses trois années de séjour en Italie, se rendant occasionnellement à Naples, Venise et Florence.
Son talent est apprécié et lui permet d’établir de nombreux contacts avec des artistes, des musiciens, des compositeurs, des lettrés, des cardinaux de la cité pontificale qui sont pour lui des mécènes. Haendel composa pour eux de la musique religieuse.
C’est à Rome, en avril 1707, alors qu’il est à peine âgé de 22 ans, qu’Haendel compose le Dixit Dominus qui sera son premier grand chef-d’œuvre. Cette œuvre exceptionnelle fait partie des très nombreux textes et récits de la Bible qu’il a mis en musique durant toute sa carrière. La plus populaire de ses compositions est Le Messie, un oratorio dans lequel transparaît son génie musical.
Haendel est donc un jeune homme plein de fougue et de foi, qui veut montrer ses prédispositions à la composition musicale, ainsi que sa gratitude aux personnalités qui l’accueillent, dans un pays qui n’est pas le sien. Pour manifester sa reconnaissance, il a la courtoisie de choisir dans la Vulgate, la version latine de la Bible, un texte reconnu par ses hôtes, tout en se lançant un défi en s’aventurant dans un genre musical dont il n’a pas encore l’expérience, et qui s’inspire du style de musique apprécié en Italie.

LE DIXIT DOMINUS : LE TEXTE, SA TRADUCTION ET LES CHOIX MUSICAUX 

Le Dixit Dominus reprend exactement le texte du Psaume 109 de la Vulgate (Psaume 110 dans la Bible hébraïque et ses descendantes chrétiennes), auquel Haendel a ajouté une doxologie.
Haendel a apporté de minimes modifications par rapport à la ponctuation proposée par la Vulgate, ce qui lui permet d’obtenir un découpage qui diffère légèrement de celle-ci mais qui donne ce rythme si particulier à son œuvre musicale.
Cette variante dans la division des différentes parties du Psaume ne change rien au sens du texte biblique car l’original du Psaume se présentait en scriptio continua (sans espaces entre les mots ni les lettres). L’introduction de la ponctuation s’est faite ensuite de diverses manières.
Les changements de tonalité dans le Dixit Dominus permettent d’y distinguer huit mouvements à l’intérieur desquels le phrasé correspond à une segmentation du texte.
Texte du Psaume 109 de la Vulgate Sixto-Clémentine (1592) repris par Haendel Traduction
par Jean Cassard,
professeur de latin et grec, agrégé de grammaire
Choix musicaux
de Haendel, analyse
1 Dixit Dominus
– Dixit Dominus Domino meo
– Sede a dextris meis
[pause]
– Donec ponam inimicos tuos
– scabellum pedum tuorum
Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
« Assieds-toi à ma droite,
jusqu’à ce que je place tes ennemis en escabeau de tes pieds.»
En sol mineur : chœur rapide et énergique, remarquable par ses rythmes haletants, ses brillantes interjections de solistes, ses incipits de plain-chant en valeurs longues (sur donec ponam)
Chœur / soprano / contre-ténor / ténor
2 Virgam virtutis tuae
– Virgam virtutis tuae emittet Dominus ex Sion
– Dominare in medio inimicorum tuorum
Le Seigneur enverra de Sion le sceptre de ta puissance ;
domine au milieu de tes ennemis.
En si b majeur, air d’alto sur basse continue
Contre-ténor / basse continue
3 Tecum principium
– Tecum principium in die virtutis tuae in splendoribus sanctorum
– Ex utero ante luciferum genui te
Avec toi [est] le commencement au jour de ta puissance dans les splendeurs des saints ;
je t’ai engendré de mon ventre avant l’étoile du matin.
En do mineur, air de soprano dominé de bout en bout par des triolets légers, en style galant, mais d’atmosphère contemplative Soprano, cordes et basse continue
4 Juravit Dominus
– Juravit Dominus
– et non poenitebit eum
Le Seigneur a juré,
et il ne se repentira pas.
En sol mineur, chœur en 4 sections alternant 2 par 2 : grave / allegro / grave / allegro faisant contraster les deux moitiés du verset
5 Tu es sacerdos
– Tu es sacerdos in aeternum
– secundum ordinem Melchisedech
Tu es prêtre pour l’éternité,
selon l’ordre de Melchisédech.
En si b mineur, chœur bref qui superpose une ligne ascendante par degrés en valeurs longues et une écriture en doubles croches rapides aux autres voix
6 Dominus a dextris tuis
– Dominus a dextris tuis confregit in die irae suae reges
Le Seigneur à ta droite a brisé en morceaux les rois au jour de sa colère. En ré mineur, après un bref tutti introductif, les voix solistes entrent deux par deux, puis la basse, puis le chœur
Deux sopranos / ténor / alto / basse / chœur
7 Judicabit
– Judicabit in nationibus
[pause]
– implebit ruinas
– conquassabit capita in terra multorum
Il exercera ses jugements dans les nations ;
il fera le plein de destructions,
il fracassera les têtes dans le pays de beaucoup d’hommes.
En fa majeur, chœur dramatique en deux parties, à la forte puissance expressive due à l’interpénétration de textures contrapuntiques et homophoniques, et à un figuralisme brutal, en particulier sur le mot conquassabit
8 De torrente in via
– De torrente in via bibet
– propterea exaltabit caput
Au torrent, en chemin, il boira,
et ainsi haussera la tête.
En do mineur, deux sopranos chantent en duo au-dessus de la riche harmonie des cordes, tandis qu’un chœur d’hommes entonne à l’unisson propterea exaltabit caput
9 Gloria Patri
– Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto
– Sicut erat in principio et nunc et semper
– Et in saecula saeculorum, amen.
Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit,
comme au commencement, maintenant, toujours,
et pour les siècles des siècles, amen.
En sol mineur, le chœur final constitue le sommet musical et spirituel du Psaume. Le chœur est divisé en deux parties.
1/ Mélisme étendu sur Gloria Patri, 2/ motif bref sur et spiritui sancto, et 3/ la répétition des longues notes soutenues du plain-chant déjà entendues dans le chœur d’introduction, forment les trois idées musicales de la première section, métaphore de la Trinité.
Puis vient une fugue sur et in saecula saeculorum, amen, la fugue étant, par son mécanisme d’autoperpétuation, la métaphore musicale de l’éternité

À PROPOS DE LA VULGATE

Au IIIe siècle avant notre ère, la Bible hébraïque a été traduite en grec à Alexandrie en Égypte. Elle est connue sous le nom de Septante. Aux premiers jours du christianisme, la Septante était utilisée par les chrétiens pour les conduire dans leur foi. Puis, le christianisme progressant vers l’Occident, il est devenu nécessaire de traduire la Bible en latin pour qu’elle soit comprise par le plus grand nombre. Les premières traductions latines apparurent, elles n’étaient pas toujours de très bonne qualité. À la fin du IVe siècle, le pape Damase demanda à Jérôme de traduire la Bible en latin. Jérôme décida de réaliser cette traduction à partir du texte hébreu. Cette nouvelle traduction latine est connue sous le nom de Vulgate.
Cependant, le psautier traduit à partir du texte grec de la Septante continua à s’imposer et fut intégré dans la Vulgate. Il est important de signaler cette singularité pour ceux qui reliraient le Psaume 110 dans une Bible d’aujourd’hui, généralement traduite à partir du texte hébreu, car le verset 3 n’est pas le même dans ces deux versions de la Bible.
La dépendance du Psaume 109 de la Vulgate, vis-à-vis de la Septante, apparaît aussi dans le principe suivi par le traducteur, qui a été de rechercher la plus grande fidélité aux mots et à la structure du texte grec, sans essayer de l’interpréter ni d’en éclaircir le sens.
Le texte du Dixit Dominus de Haendel est tiré de la Vulgate révisée à la demande du pape Clément VIII et promulguée en 1592. Cette Bible, appelée Vulgate Sixto-Clémentine, a été la Bible officielle de l’Église catholique romaine jusqu’au concile de Vatican II (1962-1965).

LE DIXIT DOMINUS, UN PSAUME DE TRIOMPHE !

Le Psaume choisi par Haendel pour son œuvre, le Dixit Dominus, est un Psaume messianique de triomphe et de victoire dont il donne une brillante interprétation. Les accords musicaux composés par Haendel expriment successivement le triomphe, la puissance, la solennité, l’espérance, la victoire et la joie qui en découle, et enfin, la paix. Il est donc possible en écoutant cette œuvre de se faire une idée des différentes situations, si variées, évoquées dans les paroles de ce Psaume saisissant. Il ne fait aucun doute que Haendel a perçu le sens profond des paroles de ce Psaume. Ce discernement et son génie lui ont permis de composer cette œuvre remarquable.
Ce Psaume commence par une promesse solennelle faite par Dieu au Messie : il mettra sous ses pieds tous ses ennemis. Puis, il lui accorde toute la puissance nécessaire pour qu’il les domine. Le psalmiste poursuit en proclamant les liens puissants qui unissent Dieu et le Messie. Après quoi, dans un serment magistral, Dieu s’engage à donner au Messie le pouvoir d’accorder aux humains la vie pour toujours. Survient alors le jugement triomphant de Dieu avec l’anéantissement du mal sur la terre et la destruction de tous ses ennemis. Le Psaume s’achève par deux brèves paroles. La première rappelle la manière dont le Messie a mené sa mission, tandis que la seconde annonce avec simplicité l’assurance de sa victoire finale. Ces deux paroles sont l’expression de la tranquillité et de la paix qui pourront alors se répandre dans le royaume de Dieu.

POUR ALLER PLUS LOIN DANS LA COMPRÉHENSION DU DIXIT DOMINUS

UN PSAUME MESSIANIQUE

Plusieurs caractéristiques du Psaume 109/110 permettent de le classer parmi les Psaumes messianiques. En voici quelques-unes :
  • Déjà, une grande partie des commentateurs juifs, avant l’ère chrétienne, ont reconnu le caractère messianique de ce Psaume.
  • Dieu avait fait cette promesse au roi David :  Le Seigneur t’annonce que le Seigneur te fera une maison. Lorsque tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de toi-même, et j’établirai fermement sa royauté […] Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils […] Devant toi, ta maison et ta royauté seront à jamais stables, ton trône à jamais affermi (2 Samuel 7.11-16 – TOB).
    Cette promesse faite à David, rappelée dans le Psaume 132,11, est à l’origine de l’espérance que David serait l’ancêtre du Messie. Plusieurs Psaumes messianiques, dont le Psaume 109/110, ont été composés par David. Dieu a révélé par son intermédiaire plusieurs prophéties dont l’accomplissement se rattachait au Messie.
    • Le Psaume 109/110 mentionne à plusieurs reprises les ennemis du héros de ce Psaume, ce qui s’applique tout particulièrement au Messie dont la mission est de délivrer le peuple de Dieu de tous ses ennemis qui sont en même temps les ennemis du Messie.
    • Pour désigner le héros de ce Psaume, David emploie le mot « Seigneur » et non celui de « roi » ce qui convient tout particulièrement au Messie, car le mot « Seigneur » s’applique aussi à Dieu. Ce choix se comprend à la lecture du Psaume dans lequel Dieu annonce l’origine divine du Messie.
    • Excepté Melschisédek, dans la Bible, seul le Messie peut cumuler les fonctions de roi et de prêtre, selon la prophétie de Zacharie : Tu lui diras alors : Écoute ce que déclare le Seigneur des armées célestes : Voici un homme dont le nom est Germe, et sous ses pas, tout germera. Il bâtira le Temple de l’Éternel. C’est lui qui bâtira le Temple de l’Éternel. Il sera revêtu de majesté royale, et il siégera sur son trône pour gouverner. Il sera aussi prêtre sur son trône. Il y aura une pleine harmonie entre les deux fonctions (Zacharie 6.12, 13 – La Bible du Semeur).
    • Le Psaume 109/110 est le Psaume le plus cité par les auteurs des textes du Nouveau Testament. Ils reprennent les déclarations qu’il contient en les appliquant à Jésus pour montrer que celui-ci est le Messie attendu.
    • COMMENTAIRES POUR CHAQUE MOUVEMENT DU DIXIT DOMINUS

      1er mouvement :

      Le Seigneur a dit à mon Seigneur : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je place tes ennemis en escabeau de tes pieds » (Psaume 109/110.1).
      Jésus lui-même a cité deux fois le Psaume 109/110. La première fois lors d’une discussion avec les Pharisiens pour souligner les liens qu’il y avait entre David et le Messie.
      Comme les Pharisiens se trouvaient réunis, Jésus leur posa cette question: « Quelle est votre opinion au sujet du Messie ? De qui est-il fils ? » Ils lui répondent : « De David. » Jésus leur dit : « Comment donc David, inspiré par l’Esprit, l’appelle-t-il Seigneur, en disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur  : Siège à ma droite jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis sous tes pieds ?  Si donc David l’appelle Seigneur, comment est-il son fils ? » Personne ne fut capable de lui répondre un mot. Et, depuis ce jour-là, nul n’osa plus l’interroger (Matthieu 22.41-46 – TOB).
      Jésus a cherché à faire comprendre que David, grâce à la révélation prophétique qu’il avait reçue, avait déjà compris que le Messie serait plus grand que lui. C’est pour cela qu’il l’appelle « mon Seigneur ».
      Pour Jésus et pour les Pharisiens, cette citation du Psaume 109/110 concerne bien le Messie car les Pharisiens n’ont pas pu contester l’interprétation faite par Jésus. En effet « personne ne put lui répondre un mot ».
      Alors que Jésus comparaissait devant le grand prêtre, il a cité une seconde fois le verset 1 du Psaume 109/110 : Le grand prêtre lui demandait encore : « Est-ce toi qui es le Christ, le Fils du Béni ? » Jésus répondit : « C’est moi. Et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel. » Alors le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Qu’en pensez-vous ? » Tous le condamnèrent, le déclarant passible de mort (Marc 14.61-64 – NBS).
      Pour répondre à la question « es-tu le Christ (le Messie) ? », Jésus répondit par l’affirmative « c’est moi » puis il a cité deux textes prophétiques pour confirmer cette déclaration. « Vous verrez le Fils de l’homme […] venant avec les nuées du ciel » est une citation du livre du prophète Daniel : Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme (Daniel 7.13 – Bible Segond 1910).
      « Assis à la droite de la Puissance » est une citation non littérale du Psaume 109/110.1. Le grand prête n’avait pas prononcé le nom de Dieu mais avait dit « le fils du Béni ». Jésus a fait de même, il n’a pas dit « assis à la droite de Dieu » mais « assis à la droite de la Puissance » ce qui revient au même. En choisissant le mot « puissance » à la place de celui de Dieu, Jésus résume dans ce seul mot tout le sens de l’expression « être assis à la droite » de Dieu.
      Parce que Jésus a confirmé sa réponse par ces citations de textes reconnus comme s’appliquant au Messie, ses contradicteurs ont bien compris que Jésus prétendait être le Messie promis. C’est pourquoi, ils décidèrent de le mettre à mort, estimant que cette prétention était un blasphème.
      Notons encore que le Psaume 109/110 est le seul texte de la Bible à révéler que Dieu a demandé à quelqu’un de s’asseoir à sa droite. Cette demande est symbolique mais pourquoi à la droite plutôt qu’à un autre endroit ? La place de droite à côté du trône est une place d’honneur dans le monde biblique et celui qui y est assis a droit à la faveur de celui qui est assis sur le trône (Voir Psaume 45.10 et 1 Rois 2.19).
      Cette place est particulièrement favorable pour le Messie car elle est assortie d’un engagement de la part de Dieu : il vaincra lui-même les ennemis du Messie.
      Les auteurs bibliques ont fréquemment utilisé l’expression « ta droite », souvent traduite dans les versions françaises par « ta main droite ». Les différents emplois de l’expression « ta droite » éclairent le sens de l’invitation à s’asseoir à la droite de Dieu.
      La (main) droite de Dieu est le symbole de sa puissance et de son soutien : Psaumes 18.36 ; 20.7 ; 21.9 ; 44.4-8 ; 74.10-12 ; 78.54 ; 89.14 ; 118.15, 16. Elle assure la victoire : Psaume 98.1. La (main) droite de Dieu est pleine de justice : Psaume 48.11. Elle délivre et sauve : Psaumes 60.7 ; 108.7 ; 138.7. Par sa (main) droite Dieu s’engage : Ésaïe 62.8.
      Lorsque Dieu invite le Messie à s’asseoir à sa droite, cela signifie que Dieu s’engage à accorder au Messie sa puissance, son soutien, sa justice, la victoire qui sera source de délivrance et de salut. C’est ce que Jésus a résumé par le mot « puissance » lorsqu’il répondit au grand prêtre en citant le Psaume 109/110 avec ces mots : « assis à la droite de la Puissance » (Marc 14.62).
      Les apôtres citent ou se réfèrent au premier verset du Psaume 109/110 pour proclamer que Jésus est bien le Messie (Actes 2.30-36), pour expliquer que Jésus est à la droite de Dieu depuis son ascension (Marc 16.19 ; Actes 7.55 ; Colossiens 3.1) et qu’il intercède pour les hommes (Romains 8.34).
      Jésus est assis à la droite de Dieu, parce qu’il est le Sauveur (Actes 5.30, 31). En effet, par sa mort sur la croix, il a apporté la purification des péchés (Hébreux 1.3 ; 10.12 ; 12.1).
      D’après l’apôtre Paul, les ennemis du Messie sont toutes les puissances qui sont hostiles à Dieu : Ensuite viendra la fin, quand il remettra la royauté à celui qui est Dieu et Père, après avoir réduit à rien tout principat, toute autorité, toute puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi qui sera réduit à rien, c’est la mort (1 Corinthiens 15.24-26 – NBS). La destruction des ennemis aura lieu à la fin des temps comme le souligne Paul.
      Dans l’Antiquité, l’expression « en escabeau de tes pieds » fait référence à une pratique dont le but était d’humilier les ennemis. Les monarques assyriens et égyptiens représentaient leurs ennemis sur le marchepied du trône, ainsi ils pouvaient symboliquement écraser leurs ennemis en montant et descendant de leur trône.

      2e mouvement :

      Le Seigneur enverra de Sion le sceptre de ta puissance ; domine au milieu de tes ennemis (Psaume 109/110.2).
      Le deuxième verset n’est pas cité dans le Nouveau Testament mais il affirme que le combat du Messie pour dominer ses ennemis commence à Sion, qui est un autre nom pour désigner Jérusalem (Psaume 147.12-14), ce qui s’est parfaitement réalisé puisque la première victoire de Jésus contre ses ennemis passe par sa mort, sa résurrection et son ascension, ces trois événements eurent lieu à Jérusalem.

      3e mouvement :

      Avec toi [est] le commencement au jour de ta puissance dans les splendeurs des saints ; je t’ai engendré de mon ventre avant l’étoile du matin (Psaume 109/110.3).
      Le verset 3 rappelle l’origine du Messie. Les auteurs du Nouveau Testament ne citent pas ce verset mais s’y réfèrent à plusieurs reprises. L’apôtre Paul écrit aux Colossiens que Jésus « est le commencement » (Colossiens 1.18).
      Dans le livre de l’Apocalypse, Jésus se présente en disant : Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin (Apocalypse 22.13 – TOB). L’expression « Je suis […] le commencement et la fin » du livre de l’Apocalypse, est équivalente à l’expression « Avec toi [est] le commencement […] dans les splendeurs des saints » du verset 3 du Psaume 109/110. Cette équivalence permet de conclure que « dans les splendeurs des saints » est une référence à la fin des temps. Les contextes de ces deux textes confirment cette interprétation. Dans Apocalypse 22.13, Je suis […] le commencement et la fin  est introduit par cette déclaration : Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon son œuvre (Apocalypse 22.12 – TOB). Dans le Psaume 109/110, le thème de la rétribution venant du Messie est développé à partir du verset  4. La rétribution venant du Messie aura lieu à la fin des temps. Il y a de fortes chances que Jean se soit inspiré du Psaume 109/110 pour rédiger ces versets de l’Apocalypse.
      Les formules « l’Alpha et l’Oméga », première et dernière lettres de l’alphabet grec, et « le premier et le dernier » associées à la formule « le commencement et la fin » renvoient à l’éternité. Cela signifie aussi que le porteur de ces titres est à l’origine et à la fin de toutes choses. Dieu lui-même se désigne avec ces trois formules, « commencement et fin », « l’Alpha et l’Oméga » et « premier et dernier » dans le livre de l’Apocalypse (1.8 ; 21.6). Dieu utilise une formule assez proche rapportée par le prophète Ésaïe pour proclamer qu’il est le seul Dieu : Ainsi parle le SEIGNEUR, le Roi d’Israël, celui qui le rachète, le SEIGNEUR, le tout-puissant : C’est moi le premier, c’est moi le dernier, en dehors de moi, pas de dieu (Ésaïe 44.6 – TOB ; voir aussi 48.12).
      Lorsque Dieu dit, en s’adressant au Messie, au verset 3 du Psaume 109/110 : « Avec toi est le commencement au jour de ta puissance dans les splendeurs des saints », il attribue au Messie les qualités qui font de lui le Dieu unique.
      « Je t’ai engendré de mon ventre » est proche de la formulation du Psaume 2.7 : Je publierai le décret : le SEIGNEUR m’a dit : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » La déclaration complète « Je t’ai engendré de mon ventre avant l’étoile du matin » confère aussi la filiation divine au Messie mais cette fois très concrètement et elle révèle l’intimité de la relation existant entre Dieu et le Messie qui préexiste à la création de l’étoile du matin. Les mots latins et grecs utilisés dans la Vulgate et dans la Septante désignent très littéralement et couramment l’« [étoile] qui apporte la lumière de l’aurore », c’est-à-dire l’astre que nous appelons étoile du matin ou Vénus.
      La version en hébreu de ce verset est assez confuse dans le texte original. De plus, elle est assez anodine par rapport au texte grec et s’harmonise moins bien avec le contexte du Psaume 109/110. Voici la traduction proposée par la version du Rabbinat : Ton peuple se montre plein de dévouement, le jour où tu déploies tes forces dans un saint appareil. Du sein de l’aurore t’arrive la rosée qui vivifie ta jeunesse.  
      Il semble bien que l’affirmation sans équivoque de la préexistence du Messie et l’affirmation de son origine divine aient gêné ceux qui étaient chargés de transmettre le texte sacré, lorsque les paroles de ce Psaume ont été appliquées à Jésus. Quelques modifications ont pu être apportées au texte pour en modifier le sens. Le texte modifié apparaît dans la plupart des Bibles françaises qui suivent généralement le texte hébreu.

      4e et 5e mouvements :

      Le seigneur a juré, et il ne se repentira pas. Tu es prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech (Psaume 109/110.4).
      La mention « le seigneur a juré, et il ne se repentira pas » montre que la décision divine est irrévocable. Par conséquent, les implications de cette décision divine deviennent à leur tour immuables. De quelles implications s’agit-il ?
      Reprenant la typologie du sanctuaire, l’auteur de l’épître aux Hébreux explique que la vie éternelle des hommes dépend de l’œuvre d’un grand-prêtre accrédité par Dieu dont la mission est d’effacer leurs péchés (Hébreux 2.17). Citant, à plusieurs reprises, tout ou partie du Psaume 109/110.4, l’auteur de l’épître aux Hébreux explique que Dieu a déclaré Jésus grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédek. C’est pour cette raison que Jésus est devenu l’auteur d’un salut éternel (Hébreux 5.5-10) pour tous ceux qui s’attacheront à lui par la foi.
      L’effacement des péchés et le salut éternel pour tous les hommes qui ont la foi en Jésus, grand-prêtre selon l’ordre de Melchisédek, est donc une décision irrévocable de Dieu. Dieu a juré qu’il en est ainsi.

      6e et 7e mouvements :

      Le Seigneur à ta droite a brisé en morceaux les rois au jour de sa colère. Il exercera ses jugements dans les nations ; il fera le plein de destructions, il fracassera les têtes dans le pays de beaucoup d’hommes (Psaume 109/110.5,6).
      La mention de la « droite » représente à la fois la puissance (Psaume 118.15) et la justice (Psaume 48.11 ; Ésaïe 41.10) dont le Messie devra faire preuve pour détruire ses ennemis. Ce sont eux-mêmes des êtres puissants identifiés à des rois, l’apôtre Paul les appelle « toute domination, toute autorité, toute puissance » (1 Corinthiens 15.24 – TOB).
      La colère de Dieu est un anthropomorphisme employé dans la Bible pour évoquer l’aversion que Dieu a pour le mal et le péché. Elle est souvent associée à son juste jugement (Romains 2.5), dont l’issue sera l’élimination du mal et du péché. « Le plein de destructions » annonce l’éradication complète du mal. « Il fracassera les têtes » rappelle la première prophétie messianique de la Bible présentant l’anéantissement du mal par le Messie, préfiguré par la postérité de la femme, écrasant la tête du serpent qui personnifie le mal (Genèse 3.15).
      Au torrent, en chemin, il boira, et ainsi haussera la tête (Psaume 109/110.7).
      Le torrent est une image du souffle de Dieu et une représentation symbolique de son Esprit puisque le même mot en hébreu désigne à la fois le souffle et l’esprit.
      Dans un contexte similaire aux versets qui précèdent la mention du torrent dans le Psaume 109/110, le prophète Ésaïe écrit : Le nom du SEIGNEUR vient de loin ; sa colère est ardente, lourde de menace ; ses lèvres sont pleines de fureur, et sa langue est comme un feu dévorant ; son souffle est comme un torrent impétueux et qui monte jusqu’au cou ; il passera les nations au crible de la destruction (Ésaïe 30.28, 29 – NBS).
      Après avoir décrit ce qui se passera le jour où Dieu combattra les nations (Zacharie 14.1-7), le prophète Zacharie écrit : En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem […] Le SEIGNEUR sera roi de toute la terre ; en ce jour-là, le SEIGNEUR sera un, et son nom un (Zacharie 14.8, 9 – NBS).
      Après avoir décrit le jugement des nations, les deux prophètes utilisent la même image de l’eau qui coule pour illustrer l’action de Dieu. Ésaïe met en avant l’effet destructeur du jugement de Dieu et Zacharie annonce la paix retrouvée lorsque Dieu est à nouveau le seul roi de la terre. Il rejoint le prophète Ézéchiel (chapitre 47 de son livre) quand celui-ci décrit un petit torrent qui sort du Temple de Jérusalem, apportant la vie et la bénédiction dans tout le pays.
      Le torrent du Psaume 109/110 est le symbole de l’Esprit de Dieu qui, par sa puissance, élimine le mal et apporte vie et bénédiction pour ceux qui reçoivent Dieu comme leur roi.
      Jésus confirme cette compréhension lorsqu’il déclare : Celui qui met sa foi en moi, – comme dit l’Écriture – des fleuves d’eau vive couleront de son sein. Il dit cela au sujet de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui mettraient leur foi en lui (Jean 7.38, 39 – NBS).
      Bien que le Messie ait son origine en Dieu comme l’atteste l’expression allégorique « je t’ai engendré de mon ventre » (Psaume 109/110.3), il garde une relation étroite avec l’Esprit de Dieu, évoqué par le torrent auquel il boit. Cette dépendance lui apporte la vigueur et les bénédictions dont il a besoin pour mener le combat contre ses ennemis, qui sont aussi ceux des humains, et pour exercer son sacerdoce de grand prêtre au profit des femmes et des hommes qui s’attachent à lui par la foi. Le maintien, par le Messie, de ce lien avec Dieu durant sa mission pousse l’auteur de ce psaume à conclure « et ainsi [il] haussera la tête ».
      Le verbe utilisé dans le texte original hébreu ruwm signifie élever, exalter. Il a été traduit littéralement en grec et en latin. En employant le verbe « relever », la plupart des traducteurs français laisse supposer que le héros du Psaume 109/110 a baissé la tête pour boire au torrent. Se basant sur cette interprétation, les commentateurs ont introduit l’idée que l’expression « il relèvera la tête » était une allusion à l’abaissement du Messie, à son humiliation, à ses souffrances. Même s’il est incontestable que le Messie a subi ces épreuves qui sont prophétisées dans d’autres Psaumes, le Psaume 109/110 n’y fait pas allusion.
      La vision suggérée par l’expression « au torrent, en chemin, il boira » est plutôt à rapprocher de l’épisode des trois cents braves de Gédéon. Le texte de Juges 7.5-7, bien qu’il ne soit pas très précis, suggère toutefois que les uns, ceux qui ont été éliminés, se sont agenouillés pour mettre directement l’eau à la portée de leur bouche, baissant ainsi la tête (double symbole de soumission et de défaitisme), tandis que les trois cents, sans s’agenouiller, ont recueilli l’eau dans leur main pour la porter à leur bouche et ont ainsi pu garder « la tête haute », dans tous les sens du terme. Les uns ont adopté une posture qui les rendait vulnérables, les autres une attitude qui leur permettait de rester sur leurs gardes tout en buvant, manifestant ainsi au-delà même du symbole, une qualité indispensable à un soldat.
      La Bible annotée traduit avec précision et justesse ce texte biblique : Il boit au torrent, en chemin ; aussi lève-t-il haut la tête. L’expression « lever haut (hébreu ruwm, grec ὑψώσει, latin exaltabit) tête » trouve un parallèle dans le Psaume 3.3 : Mais toi, Éternel, tu es un bouclier tout autour de moi, tu es ma gloire et celui qui me fait lever la tête (La Bible annotée). C’est bien cette relation avec Dieu, évoquée par les mots « il boit au torrent, en chemin » qui permet au Messie de garder la tête haute en toutes circonstances. Le verbe hébreu ruwm exprime l’idée d’élévation mais aussi d’exaltation, de glorification comme le souligne le Psaume 3.3, en faisant le parallèle entre la gloire et le fait de lever la tête : « tu es ma gloire et celui qui me fait lever la tête ». L’élévation du Messie est prophétisée en ces termes dans le livre d’Ésaïe : Voici que mon Serviteur réussira, il sera haut placé (ruwm), élevé, exalté à l’extrême (Ésaïe 52.13 – TOB). Parce que le Messie, héros du Psaume 109/110, vit une relation étroite avec l’Esprit de Dieu, il « réussira » sa mission pour sauver les femmes et les hommes qui auront foi en lui et il sera « exalté à l’extrême ».
      Le dernier verset du Psaume 109/110 proclame ainsi la garantie de la victoire finale du Messie et donc l’assurance de l’instauration d’un royaume de paix pour toujours. Ces paroles : Au torrent, en chemin, il boira, et ainsi haussera la tête (Psaume 109/110.7) donnent aussi les clés qui assurent la victoire, dans tous leurs combats, à tous ceux qui méditeront sur les implications de ce verset pour eux-mêmes.

      8e mouvement :

      Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit, comme au commencement, maintenant, toujours, et pour les siècles des siècles, amen (Doxologie finale ajoutée au Psaume 109/110).
      Par cette doxologie, Haendel a voulu glorifier Dieu (Père, Fils et Saint-Esprit) pour l’œuvre de restauration du royaume de Dieu qu’il a entreprise au travers du Messie pour permettre aux humains d’avoir à nouveau la vie pour toujours.
      Bernard Cassard, pasteur
      Jean Cassard,  professeur agrégé de grammaire, pour la traduction du latin et du grec.

      Le Dixit Dominus de Haendel